La communication des autorités avant des votations est partiellement opportune. La brochure des explications du Conseil fédéral est largement utilisée par la population. Les instructions de la Chancellerie fédérale pour la rédaction de ces explications sont adéquates, mais les départements les utilisent peu. Ces derniers ont des conceptions et des pratiques hétérogènes de la communication des autorités avant des votations. Néanmoins, les principes juridiques sont respectés, à quelques exceptions près.
En janvier 2022, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) de procéder à une évaluation de la communication des autorités avant des votations.
À sa séance du 25 mai 2022, la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N, compétente en la matière, a décidé que l’évaluation devait porter sur les directives, stratégies et processus de communication avant des votations et leur application, sur les contenus de cette communication dans quatre votations pour lesquelles elle avait été critiquée, ainsi que sur les différences d’intensité de la communication des autorités et l’utilisation des contenus par les citoyennes et citoyens.
Pour ce faire, le CPA a effectué une analyse documentaire des fondements de la communication des autorités avant des votations. Il a également mené une vingtaine d’entretiens avec des membres de l’administration fédérale. Le CPA a en outre attribué un mandat juridique externe pour l’accompagner dans l’élaboration d’une grille d’analyse, qui a surtout été utilisée pour étudier les contenus de la communication lors de quatre votations controversées. Par ailleurs, il a réalisé des analyses statistiques pour apprécier les différences d’intensité et l’utilisation des contenus de la communication par la population. Les résultats les plus importants sont présentés ci-après.
La brochure des explications du Conseil fédéral est importante pour la formation de l’opinion, tandis que les médias sociaux jouent un rôle secondaire
Les analyses du CPA montrent que la brochure des explications du Conseil fédéral, avec les articles de journaux, revêt une grande importance dans la formation de l’opinion des citoyennes et des citoyens. Ceci est vrai pour tous les groupes d’âge, niveaux de formation et opinions politiques. En revanche, les médias sociaux représentent une source nettement moins importante pour s’informer sur des votations, même pour les jeunes adultes (ch. 6.1). En outre, les explications du Conseil fédéral jouissent d’une grande confiance au sein de la population, bien qu’elles ne soient pas faciles à comprendre, puisque les exigences légales auxquelles elles sont soumises compliquent leur simplification (ch. 6.2).
Les instructions pour la rédaction de la brochure des explications du Conseil fédéral sont adéquates, mais peu utilisées par les départements
L’administration fédérale a élaboré de nombreux documents qui fondent la communication des autorités avant des votations. Ceux-ci sont cohérents et plutôt clairs (ch. 3.1). Alors que les principes à respecter dans la communication avant les votations restent abstraits dans les lignes directrices générales, ils sont concrétisés de manière adéquate dans les instructions pour la rédaction des explications du Conseil fédéral (ch. 3.2). Or, les départements impliqués les utilisent peu, parce qu’ils partent du principe que la Chancellerie fédérale (ChF) se charge de contrôler le respect des principes juridiques. Ce manque de responsabilisation a tendance à rallonger le processus rédactionnel (ch. 4.1). Les départements vérifient l’adéquation des différents contenus de la communication préparés par les unités administratives, mais un contrôle à quatre yeux par des personnes disposant des connaissances techniques nécessaires n’est pas toujours opéré (ch. 4.3).
La répartition des compétences n’est pas complètement réglée dans les fondements de la communication, mais la coordination est adéquate dans la pratique
Pour la brochure des explications du Conseil fédéral, la ChF est responsable de la rédaction et le département concerné est responsable du contenu. Cette répartition des tâches permet un équilibre entre la responsabilité de la ChF de garantir des informations adéquates vis-à-vis des exigences légales et celle des départements de fournir des informations précises, actuelles et détaillées, même si elle implique une zone grise entre « rédaction » et « contenu ». Globalement, le professionnalisme de la ChF dans le processus de rédaction est reconnu et ses interventions ciblent de manière pertinente le respect des principes juridiques. S’agissant des interventions publiques ou des publications dans les médias sociaux, les fondements ne clarifient pas quel niveau doit communiquer sur quel aspect. Dans la pratique, les interventions dans les médias sont coordonnées quotidiennement au sein de la Conférence des services d’information de la Confédération (CSIC). Celle-ci est aussi utile comme plateforme de discussion stratégique et d’échanges de bonnes pratiques (ch. 3.3 et 4.2).
Les contenus de la communication respectent majoritairement les principes juridiques, avec des lacunes ponctuelles
Dans les quatre votations analysées en détail, les contenus de la communication avant les votations ont globalement respecté les principes juridiques, c’est-à-dire qu’ils étaient exhaustifs, objectifs, transparents et proportionnels. Mais des lacunes ponctuelles ont été identifiées pour chacun des principes, qui correspondent souvent aux écueils pour lesquels la communication avait été critiquée dans les médias dans ces cas spécifiques : la brochure de vote sur le référendum concernant la loi sur le cinéma n’était pas exhaustive et pas entièrement transparente ; dans la brochure explicative du référendum sur le relèvement des déductions fiscales pour enfant, la présentation détaillée de l’objet contenait un point formulé de manière plus argumentative qu’objective ; dans le cadre de l’initiative sur les pesticides, les interventions publiques et publications dans les médias sociaux n’ont respecté que partiellement le principe d’objectivité ; et lors de l’initiative « Entreprises responsables », la transparence et la proportionnalité de la communication sont remises en question, comme nous le verrons au prochain point (ch. 5.1).
Les conceptions des départements d’une communication proportionnée et de la frontière entre information et campagne sont différentes
Les différences de conception des départements sur ce qui constitue une communication proportionnée avant des votations sont frappantes : certains ont une conception étroite de la proportionnalité, ce qui les mène, en général, à peu communiquer en sus de ce qui est prévu par défaut pour l’ensemble des votations ; d’autres, en revanche, interprètent de manière plus large le principe de proportionnalité, les menant, pour certains objets soumis au vote, à intervenir dans de nombreux médias et réunions publiques, ainsi qu’à être actifs dans les médias sociaux. De même, les analyses du CPA indiquent que la frontière entre information et campagne fait l’objet de conceptions très différentes de la part des départements (ch. 4.1). Les documents qui fondent la communication des autorités avant des votations interdisent de faire « campagne », sans que cette notion ne soit davantage définie (ch. 3.2). Dans le cas de la votation sur l’initiative « Entreprises responsables », le département prévoyait une communication axée sur le rejet de l’initiative plutôt que sur l’information de l’électorat. Selon le CPA, les modalités de communication telles que prévues dépassaient la frontière entre l’information et la campagne, allant à l’encontre d’une communication proportionnée (ch. 5.1).
La communication des autorités avant des votations varie en intensité, mais elle est globalement proportionnée par rapport à la couverture médiatique
Bien qu’il existe différentes conceptions de la proportionnalité parmi les départements, la communication des autorités avant les votations a généralement reflété l’intensité de la couverture médiatique. Le Conseil fédéral n’a globalement pas eu une position dominante, même dans les cas où les autorités ont communiqué de manière intensive, comme dans le cadre de l’initiative « Entreprises responsables », ce qui plaide en faveur du respect du principe de proportionnalité en général (ch. 5.2).