Le chômage partiel a été un instrument opportun pendant la crise du coronavirus, mais les nombreuses adaptations légales ont causé des problèmes au fil du temps. Le SECO a généralement soutenu les organes d’exécution de manière adéquate. Toutefois, ses contrôles ne lui permettront probablement pas de vérifier de manière fiable la part des plus de 16 milliards de francs que les entreprises ont effectivement perçue de manière licite.
Le 26 janvier 2021, dans le cadre de leur inspection sur la gestion de la crise du coronavirus par les autorités fédérales, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) de procéder à une évaluation du chômage partiel pendant la crise du coronavirus.
Le 9 septembre 2021, la sous-commission DFF/DEFR de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N), compétente en la matière, a précisé que le CPA devait examiner les causes des nombreuses adaptations des bases légales du chômage partiel, le soutien aux organes d’exécution et la surveillance concernant la légalité de la perception des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (IRHT).
L’évaluation est fondée sur des analyses de documents ainsi que sur des entretiens avec plus de 40 personnes, travaillant essentiellement dans l’administration. L’entreprise Ecoplan AG a par ailleurs réalisé, sur mandat du CPA, une enquête auprès de tous les organes d’exécution dans les cantons. L’évaluation porte sur la période allant du mois de mars 2020, début de la pandémie, au mois de juin 2022. Elle parvient aux principaux résultats suivants :
Le chômage partiel a été un instrument opportun durant la crise du coronavirus, mais il a dû être adapté
Le recours de la Confédération au chômage partiel durant la crise du coronavirus a été un choix opportun. La loi prévoit son application en cas de restrictions ordonnées par les autorités. Les bases de décision du Conseil fédéral relatives aux IRHT mentionnaient expressément que la prévention du chômage était l’objectif légal des IRHT, du moins au début de la crise (ch. 3.1). Par ailleurs, les IRHT ont, dans une large mesure, été coordonnées avec les autres mesures mises en œuvre pour soutenir l’économie durant la crise (ch. 3.2). Les procédures ordinaires applicables aux IRHT étaient toutefois trop lourdes en raison du grand nombre d’entreprises concernées ; il était donc opportun de les simplifier (ch. 3.3.1) et de promouvoir leur numérisation (ch. 4.3). La question est donc de savoir s’il est possible de rendre les procédures plus appropriées aux crises majeures.
Les décisions politiques pour adapter les IRHT n’ont pas été prises de manière suffisamment prospective
Le Conseil fédéral – et parfois aussi le Parlement – a pris des décisions à très court terme et a souvent modifié les dispositions légales relatives aux IRHT avec effet rétroactif, et ce non seulement au début de la crise du coronavirus, mais aussi lors des phases ultérieures de la pandémie. Il ne restait plus de temps à l’administration pour examiner en détail les effets des adaptations et préparer leur mise en œuvre. Les bases de décision du Conseil fédéral ne donnaient pas suffisamment d’indications sur les risques économiques et les risques d’abus (ch. 3.4). Les adaptations fréquentes et décidées au dernier moment ont représenté un défi de taille pour les organes d’exécution des cantons (ch. 3.3).
Les dispositions adaptées sont restées longtemps en vigueur, ce qui a engendré de nouveaux problèmes
Durant la pandémie, de nombreuses adaptations des IRHT ont été prolongées à plusieurs reprises, ce qui a engendré de nouveaux problèmes. Aussi bien au sein de l’exécutif qu’au sein du Parlement, les positions étaient divergentes vis-à-vis de la prolongation de la procédure sommaire. Finalement, elle a été maintenue pendant deux ans, ce qui a entraîné des incertitudes juridiques. Dans le cas des indemnités de vacances et pour jours fériés, ces incertitudes ont abouti à un crédit supplémentaire de deux milliards de francs, à la suite d’un arrêt du Tribunal fédéral. Les nombreuses adaptations ont également engendré des problèmes dans l’exécution, car pour beaucoup d’entreprises, le droit aux IRHT a dû être réexaminé (ch. 3.3.2). Enfin, s’agissant de la surveillance du SECO, le maintien prolongé des procédures simplifiées a augmenté le risque de perception indue d’IRHT (ch. 3.4.1) et la charge de travail découlant du contrôle a posteriori (ch. 5.3). Le risque économique que les IRHT ne ralentissent le changement structurel a également augmenté avec le temps (ch. 3.4.2). Une fois que les réglementations modifiées avaient été mises en place, le pouvoir exécutif subissait une grande pression politique, également de la part du Parlement, pour ne pas revenir sur ses décisions. L’objectif des IRHT, à savoir prévenir le chômage, est devenu toujours plus secondaire dans les bases de décision du Conseil fédéral (ch. 3.1).
Le SECO et les organes d’exécution ont fait preuve d’un engagement hors pair
Aussi bien dans les cantons que dans l’administration fédérale, de très nombreux collaborateurs et collaboratrices ont redoublé d’efforts pour que les IRHT puissent être versées aussi vite que possible aux entreprises. Jusqu’à la crise du coronavirus, seules peu de personnes connaissaient en détail cet instrument, et ce à tous les niveaux. Le SECO a essayé de répondre au mieux aux besoins des organes d’exécution (ch. 4.4) et a mis en place une ligne d’urgence pour les entreprises et le public (ch. 4.3). Compte tenu des nombreuses adaptations, il a été difficile pour le SECO d’apporter un soutien approprié aux organes d’exécution (ch. 4.2). Globalement, ceux-ci ont cependant estimé qu’ils avaient été soutenus adéquatement (ch. 4.1). Toutefois, le SECO n’était plus en mesure de garantir systématiquement l’application uniforme du droit (ch. 4.5).
En matière de surveillance, le SECO a défini des priorités, le CDF a renforcé ses activités
Les responsabilités en matière de surveillance des IRHT n’ont pas été modifiées lors de la crise du coronavirus, mais le SECO a reporté différents contrôles. Il a mis la priorité sur le soutien des organes d’exécution dans les cantons et les contrôles auprès des employeurs au sein des entreprises, ce qui était adapté à la situation. La Commission de surveillance du fonds de compensation de l’assurance-chômage, en sa qualité d’organe de surveillance suprême, s’est régulièrement informée de la situation, mais n’a pas exercé une surveillance active allant plus loin (ch. 5.1). En revanche, le Contrôle fédéral des finances (CDF) a étendu ses activités de surveillance dans le domaine des IRHT. Son travail n’a eu qu’une utilité limitée, surtout au début, lorsqu’il était peu au fait des IRHT, mais ses analyses de données en particulier ont été bénéfiques pour le SECO (ch. 5.5). En raison de l’important engagement financier de la Confédération dans le domaine des IRHT, le CPA estime que le renforcement du rôle du CDF en matière de surveillance était opportun.
Les contrôles ne permettent probablement pas une appréciation globale et fondée de la légalité des IRHT perçues
Le Conseil fédéral et le SECO ont encore affirmé publiquement pendant la crise du coronavirus qu’il n’y avait pas plus d’abus malgré les procédures simplifiées et qu’ils s’assureraient, avec des contrôles a posteriori, que les IRHT étaient accordées conformément à la loi. En été 2020 déjà, le SECO a créé un plan de contrôle visant à lutter contre les abus, et a rapidement attribué des mandats externes pour effectuer les contrôles auprès des employeurs. Toutefois, il n’a pas mis à jour ce plan de contrôle, bien que le nombre d’abus signalés ait été bien plus important que ce qu’il avait prévu (ch. 5.2). Il est actuellement incertain si les nombreux signalements d’abus pourront être examinés dans le délai de prescription de cinq ans, d’autant plus que les contrôles sur place demandent plus de travail que prévu. Le CPA doute également que le SECO puisse effectuer suffisamment de contrôles au sein d’entreprises choisies aléatoirement, comme prévu par le plan de contrôle, afin de pouvoir estimer de manière fiable combien d’IRHT ont été indûment perçues, en raison d’erreurs ou d’abus (ch. 5.3). Enfin, le CPA a constaté que le SECO n’exploite pas les possibilités offertes par la loi pour sanctionner les entreprises qui ont perçu des IRHT de manière abusive (ch. 5.4). On peut globalement se demander dans quelle mesure les contrôles permettent d’atteindre les effets dissuasifs visés pour prévenir les abus.