Afin d’atténuer les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19, le Conseil fédéral et le Parlement ont débloqué d’importants programmes d’aide financière, notamment l’allocation pour perte de gain COVID-19 (APG COVID-19). Entre mars 2020 et octobre 2021, la Confédération a versé des APG COVID-19 à hauteur de 3,5 milliards de francs, dont 2,6 milliards à des personnes indépendantes. C’était la première fois qu’elle soutenait financièrement les indépendants dans une situation d’urgence économique.
Le Contrôle fédéral des finances (CDF) a commencé à évaluer la conception et l’impact de l’APG COVID-19 pendant leur mise en œuvre, dans le but de recommander des ajustements en cas de futures situations de crise économique. L’évaluation s’est limitée aux APG d’un montant de quelque 3 milliards de francs qui ont été versées aux chefs d’entreprises soumis à des contraintes opérationnelles. Afin de se faire une idée précise de l’impact, les analyses se sont concentrées sur six secteurs fortement touchés.
L’évaluation dresse un tableau globalement positif de l’APG COVID-19 en ce qui concerne leur conception et leur impact pour les indépendants ou les salariés ayant une position similaire de celle d’un employeur, touchés par les mesures sanitaires. Cependant, les critères provisoires pour l’octroi et le montant de l’APG, les différences entre les situations individuelles et la faible coordination avec les autres aides financières ont donné lieu à des inégalités de traitement.
Choix approprié du mécanisme de l’allocation pour perte de gain
L’APG COVID-19 constituait une aide financière rapide pour les indépendants qui ont dû interrompre ou restreindre leur activité sans faute de leur part. L’utilisation de l’instrument existant de l’allocation pour perte de gain s’est révélé adéquat, car le groupe cible est enregistré dans le système de l’assurance-vieillesse et survivants et un mécanisme de paiement efficace a pu être utilisé.
Le ciblage de l’APG COVID-19 peut être qualifié de bon, tant durant la phase de droit de nécessité entre mars et septembre 2020 que plus tard, alors que la loi COVID-19 était en vigueur. Les analyses montrent que ce sont principalement les personnes fortement touchées par les mesures sanitaires dans les branches très affectées qui ont bénéficié de l’APG COVID-19. L’APG a été jugée utile par une grande majorité des bénéficiaires et pour beaucoup, elle avait même été essentielle à leur subsistance.
Un aspect important de la mise en œuvre a été l’adaptation continue de la prestation, réalisée essentiellement en deux phases. Sous le droit de nécessité du Conseil fédéral, l’accès à l’APG était réglementé de manière généreuse pour la plupart, en particulier après le confinement de l’été 2020, où, malgré une normalisation temporaire des activités commerciales dans de nombreux domaines, les APG COVID-19 ont continué à être versées dans leur intégralité. Sous la loi COVID-19, le droit aux prestations a été restreint. Les personnes déposant une demande devaient faire état d’une perte de chiffre d’affaires définie.
Rétrospectivement, favoriser les entreprises forcées de fermer par rapport à celles indirectement touchées n’était pas pertinent
Durant le droit de nécessité, les indépendants forcés de fermer leur entreprise ont en partie été avantagés par rapport à ceux dont les commerces ont pu rester ouverts, mais qui ont tout de même vu leur chiffre d’affaires chuter, voire se réduire à zéro, en raison de l’absence de clientèle. Ces derniers, dits cas de rigueur, n’avaient droit à l’APG COVID-19 que si leur revenu annuel soumis à l’AVS se situait entre 10 000 et 90 000 francs en 2019. Rétrospectivement, cette inégalité de traitement ne semble pas appropriée, car les commerces forcés de fermer n’ont pas nécessairement été plus touchés par les mesures sanitaires que les cas de rigueur.
Le CDF n’a pas pu quantifier l’ampleur des cas de rigueur fortement touchés sur le plan économique mais exclus de l’APG COVID-19. Sous la loi COVID-19, cette inégalité de traitement a été en partie supprimée en raison de la suppression du plafond de 90 000 francs. Le CDF recommande qu’à l’avenir, si possible, les prestations soient évaluées selon le préjudice économique effectif de l’activité commerciale et non sur la base de la fermeture imposée d’une entreprise sur décision des autorités.
La base de calcul provisoire de l’APG COVID-19, point faible du système
L’APG COVID-19 a été fixée sur la base du revenu annuel 2019 provisoire soumis à l’AVS. Le CDF considère ce critère comme le principal point faible de l’APG COVID-19, tant comme base d’octroi que pour définir le montant de l’APG COVID-19 en général, car il s’agit d’une référence estimée individuellement. Il est arrivé à la conclusion que le revenu annuel 2019, déterminé ultérieurement par l’administration fiscale, constituait une meilleure base de calcul. Les enquêtes de l’Office fédéral de la statistique pour 2018 suggèrent que, dans un tiers des cas, les revenus annuels AVS déclarés provisoirement pourraient être trop élevés par rapport à la taxation définitive ultérieure. En cas de revenus AVS sous-déclarés, les bénéficiaires de l’APG COVID-19 ont parfois pu demander une correction après la taxation définitive, inversement, aucune demande de remboursement n’a été formulée.
Le CDF recommande à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) de prévoir à l’avenir des aides financières extraordinaires pour les indépendants de manière à répondre à la fois au droit à une aide financière rapide en cas de besoin et à une base de calcul fixée de manière uniforme, par exemple au moyen d’acomptes ou d’une facturation ultérieure avec la taxation définitive du revenu annuel AVS.
Contrôler les APG COVID-19 pour aider les salariés avec un statut proche de celui d’un employeur
Avec l’entrée en vigueur de la loi COVID-19 à la mi-septembre 2020, tous les salariés concernés par les mesures sanitaires et occupant une position similaire à celle d’un employeur avaient droit à l’APG COVID-19. Depuis, les importants montants qui leur ont été versés ont dépassé ceux alloués aux indépendants. Le CDF se demande si l’APG COVID-19 était la meilleure option pour ce groupe de bénéficiaires. Un soutien aurait également été envisageable par l’intermédiaire de l’assurance-chômage (AC), étant donné que ces personnes paient des contributions AC.
Le CDF recommande à l’OFAS d’établir un bilan de la conception de l’APG COVID-19 d’ici deux ans afin de consolider, en prévision de crises similaires et sur la base des expériences faites, les mesures de soutien en faveur des indépendants.