Au cours des dernières années, la pratique en matière de recours aux analyses ADN s’est largement stabilisée à l’échelle nationale ; elle est jugée globalement opportune. En revanche, les différences constatées à l’échelle cantonale ne sont pas appropriées. Enfin, le système de surveillance présente quelques défaillances.
Pour élucider des infractions, les autorités de poursuite pénale peuvent recourir aux analyses ADN. Des personnes suspectes peuvent ainsi être identifiées à l’aide de traces d’ADN et les faits liés à une infraction être reconstitués. Les bases légales encadrant le recours aux analyses ADN sont formulées de manière générale. L’analyse ADN peut donc être utilisée pour l’élucidation de tous les crimes et de tous les délits, mais pas en cas de contravention. Or, étant donné qu’elle constitue une atteinte aux droits fondamentaux, le recours à cette analyse doit être proportionné. Des voix critiques se sont élevées à plusieurs reprises pour dénoncer les dérives observées dans certains cantons lors du recours aux analyses ADN.
En janvier 2017, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont par conséquent chargé le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) de procéder à une évaluation des analyses ADN dans les procédures pénales. A sa séance du 6 novembre 2017, la sous-commission compétente de la CdG du Conseil des Etats, à savoir la sous-commission DFJP/ChF, a décidé que l’évaluation devait porter sur l’opportunité de la pratique en matière de recours aux analyses ADN ainsi que sur l’adéquation des fonctions de surveillance de l’Office fédéral de la police (fedpol).
Le CPA a alors chargé les experts de Killias Research & Consulting d’analyser les profils d’ADN enregistrés dans la banque nationale de données ADN CODIS. De son côté, il a étudié les fonctions de surveillance de fedpol. Il a tenté de savoir si l’office assume de façon appropriée sa responsabilité générale concernant la banque nationale de données ADN et la surveillance sur les laboratoires d’analyse ADN. A cette fin, le CPA a analysé des documents et mené une vingtaine d’entretiens avec des représentants de l’administration fédérale, des cantons et des laboratoires.
Une pratique globalement opportune
Les analyses de données effectuées dans le cadre de l’évaluation montrent que, à l’échelle nationale, l’évolution de la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales est parallèle à celle de la criminalité depuis l’arrêt pris par le Tribunal fédéral en 2014. L’utilisation des analyses ADN à grande échelle, observable jusqu’à cette date, a été stoppée. Depuis, la pratique reste constante et est appropriée à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral. On constate par ailleurs que les analyses ADN sont plus souvent utilisées pour les infractions graves que pour les infractions moins graves, ce qui indique une pratique globalement adéquate en matière de recours aux analyses ADN.
Des différences cantonales inappropriées
Les cantons d’Argovie, de Berne, de Fribourg, des Grisons, du Tessin, de Vaud et de Zurich ont été examinés à la loupe dans le cadre de l’évaluation. Les différences partielles de pratique entre ces cantons en matière de recours aux analyses ADN ne s’expliquent pas par le nombre variable des procédures pénales ou par une évolution divergente de leur criminalité. Ces différences cantonales sont inappropriées du point de vue de la jurisprudence du Tribunal fédéral et d’une application uniforme des dispositions du droit fédéral.
Le Service de coordination externe est opportun, mais l’attribution du mandat à ce service ne l’est pas
Fedpol est responsable de la banque nationale de données ADN CODIS, dont l’exploitation sur le plan opérationnel est assurée par un service de coordination externe. Ce fonctionnement a fait ses preuves. Depuis sa création, le Service de coordination est rattaché à l’Institut de médecine légale de l’Université de Zurich. Bien que le paysage des laboratoires ait évolué, fedpol n’a encore jamais vérifié le bien-fondé de l’octroi du mandat de gestion au Service de coordination. Par ailleurs, le Service de coordination exerce pour le compte de fedpol différentes tâches supplémentaires qui vont au-delà de l’exploitation de la banque de données sur le plan opérationnel et ne reposent sur aucun mandat formel. En outre, le Service de coordination ne dispose pas de l’indépendance requise pour pouvoir défendre les intérêts de tous les laboratoires de manière appropriée auprès de la Confédération.
La surveillance sur les laboratoires d’analyse ADN n’est pas exercée en toute indépendance et n’est donc qu’en partie adéquate
Fedpol doit contrôler les laboratoires d’analyse ADN reconnus par la Confédération. Il a délégué une grande partie de cette tâche au Service d’accréditation suisse (SAS), qui est chargé des accréditations de laboratoires. Or, l’accréditation et sa vérification par le SAS ne se font pas indépendamment des laboratoires. Ces derniers peuvent proposer les spécialistes qui participeront aux vérifications. Bien que la procédure de contrôle du SAS soit jugée très positive par toutes les personnes impliquées, elle présente quelques défaillances. De facto, selon la convention qu’il a signée avec le SAS, fedpol délègue en partie sa fonction de contrôle aux laboratoires qu’il doit contrôler. Par conséquent, la surveillance exercée sur les laboratoires reconnus par la Confédération ne peut être considérée que comme étant partiellement adéquate.