L’essentiel en bref
La sauvegarde et la défense des intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure incombent spécifiquement au service diplomatique du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Des réserves ayant été émises ces dernières années à propos du personnel de ce service, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé, en janvier 2014, le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) de procéder à une évaluation du personnel du service diplomatique.
Le 20 août 2014, la sous-commission compétente de la CdG du Conseil des Etats, à savoir la sous-commission DFAE/DDPS, a décidé que l’évaluation devait se concentrer sur les compétences au sein du service diplomatique. Le CPA a ainsi déterminé quelles compétences ont été définies et examiné comment celles-ci s’intègrent dans les processus ainsi que dans les outils de recrutement et de fidélisation du personnel. Il a analysé pour ce faire les dispositions légales et les documents administratifs. Il a en outre mené près de 25 entretiens, notamment avec des personnes du DFAE, ainsi qu’avec des experts externes, et réalisé une enquête auprès de tous les collaborateurs du service diplomatique. Il a aussi consulté les données existantes du DFAE, de l’Office fédéral du personnel (OFPER) et de l’Association du Corps diplomatique Suisse (CDS). L’évaluation a bénéficié de l’encadrement scientifique du professeur Cédric Dupont de l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève.
Aperçu des résultats
Globalement, l’étude réalisée permet de conclure que les systèmes de recrutement et de fidélisation du personnel fonctionnent et ne présentent pas de défaillances majeures qui compromettraient le fonctionnement du service diplomatique. Le CPA a toutefois constaté plusieurs points faibles dont une partie est probablement induite par le système. La présente évaluation ne permet pas de déterminer si ces points faibles justifient que le service diplomatique passe d’un système de carrière à un système fonctionnel.
Manque de spécification des compétences pour le personnel du service diplomatique
La responsabilité du personnel du service diplomatique incombe à la Direction des ressources. Celle-ci, sur la base du référentiel de compétences de l’administration fédérale, a défini quatre profils d’exigences standard pour le personnel diplomatique selon le degré de responsabilité correspondant à la fonction exercée. Selon les prescriptions, ces profils, qui correspondaient à différents niveaux de hiérarchie, devaient constituer une base essentielle pour l’engagement et l’évolution des collaborateurs du service diplomatique.
La définition des compétences au sein du service diplomatique présente toutefois certaines faiblesses : dans l’ensemble, le niveau requis dans les nombreuses compétences de gestion, sociales et personnelles est particulièrement élevé. En outre, les compétences n’ayant pas découlé de tâches concrètes, les profils d’exigences standard ne contiennent aucune compétence spécifique à la diplomatie. Les compétences techniques, méthodologiques et linguistiques font presque totalement défaut. Selon le CPA, de telles compétences peuvent être définies même si les profils d’exigences standard doivent s’appliquer à plusieurs fonctions.
Attribution flexible des postes au sein du service diplomatique
La plupart des collaborateurs du service diplomatique ont été engagés sur concours. Le concours d’admission est un outil de recrutement qui peut, dans l’ensemble, être qualifié d’approprié. Les résultats de l’évaluation indiquent que l’entretien devant la commission d’admission est particulièrement important. La composition de cette commission fait toutefois l’objet de critiques du fait que l’administration fédérale y est trop fortement représentée au détriment des personnes issues des milieux politique, culturel et scientifique. En outre, en ne publiant pas le nom de ses membres, la commission manque de transparence.
Près de 2 % des collaborateurs actuels du service diplomatique ont été engagés sans avoir passé le concours. L’engagement de personnes extérieures à la filière diplomatique représente un phénomène marginal. Par contre, il est nettement plus fréquent que les postes du service diplomatique, dits « postes de défense des intérêts », soient occupés par des personnes provenant d’autres domaines du DFAE. Le CPA considère que cette pratique est appropriée, car elle permet de garantir que les postes soient pourvus par les personnes les mieux qualifiées. Les collaborateurs du service diplomatique craignent pour leur part que les postes intéressants leur échappent, ce qui a un effet négatif sur leur motivation. Il semblerait que ces craintes soient entre autres nourries par le fait que les collaborateurs ne sont visiblement pas bien informés de la procédure d’attribution des postes au sein du service diplomatique.
Automatismes et manque de transparence dans le cadre du processus de promotion
Pour ce qui est de la fidélisation du personnel, les principaux points faibles constatés par le CPA concernaient les promotions. Celles-ci sont prononcées sur la base d’une recommandation de la commission de promotion. Les collaborateurs sont de fait promus quasiment d’office au sein d’une bande de fonction.
Les promotions d’une bande à l’autre font l’objet d’une analyse plus approfondie. Les documents contenus dans les dossiers des différents collaborateurs sont cependant de qualité et de pertinence inégales. Les analyses du potentiel, dans lesquelles les supérieurs évaluent les compétences de leurs collaborateurs, sont remplies de façon très variable. Les décisions de promotion ne se fondent qu’en partie sur ces analyses. La manière dont la commission de promotion aboutit à ses recommandations manque donc de transparence. C’est par ailleurs également le cas du processus menant à la nomination au poste de chef de mission.
Conciliation difficile avec la vie privée
En général, les collaborateurs diplomatiques changent de lieu d’affectation tous les quatre ans. Du point de vue de la fidélisation du personnel, cette discipline des transferts comporte certains risques, car elle permet difficilement de concilier vie professionnelle et vie privée. Ayant reconnu le problème, le DFAE a pris diverses mesures ces dernières années pour améliorer la situation des personnes accompagnantes. La présente évaluation n’analyse pas en détail ces mesures mais a tout de même mis en évidence plusieurs points faibles à ce niveau. Elle révèle en outre que le travail à temps partiel est pratiquement impossible au sein du service diplomatique, notamment à l’étranger. Pour assurer la couverture des postes à pourvoir, il faut, selon les responsables, pouvoir continuer à compter sur un effectif de collaborateurs diplomatiques soumis à la discipline des transferts malgré la possibilité d’intégrer des personnes de l’extérieur. Attirer et fidéliser des collaborateurs avec des compétences appropriées reste donc un défi important.
Défaillances en matière de suivi du personnel
Dans le cadre de son évaluation, le CPA a demandé des indications chiffrées relatives aux collaborateurs diplomatiques et aux employés à des postes de défense des intérêts. Malgré les gros efforts consentis par les services compétents de la Direction des ressources, aucun chiffre précis n’a pu être obtenu du fait qu’il existe plusieurs systèmes de données qui ne peuvent pas être reliés entre eux. Dans les conditions actuelles, l’exploitation de ces données s’avère très compliquée. Par ailleurs, il est apparu que les motifs de départ anticipé du service diplomatique ne sont pas systématiquement enregistrés. Les données destinées au pilotage du personnel sont donc insuffisantes.