Le nombre de ressortissants français en Suisse a nettement augmenté ces dernières années en raison de la bonne santé économique du pays et des accords sur la libre circulation des personnes (+36'000 individus, soit +68% entre 1991 et 2008). Cette croissance a surtout touché les principaux centres urbains mais peu les régions frontalières de l’Arc jurassien. Ainsi, à l’inverse des villes du plateau, La Chaux-de-Fonds et Le Locle ne profitent pas d’un apport démographique net en provenance de France mais affichent un solde migratoire équilibré. En d’autres termes, les départs sont compensés par les arrivées. Les migrants concernés présentent toutefois des profils différents.
Les personnes en provenance de France et s’établissant dans le canton de Neuchâtel ont en majorité moins de 40 ans, vivent dans des ménages sans enfant, sont au bénéfice d’une formation universitaire et occupent un travail en Suisse. Un cinquième d’entre eux vient du département limitrophe du Doubs. Leurs principales motivations renvoient à des facteurs personnels (mise en ménage, etc.) et à la volonté de réduire le temps des trajets quotidiens entre domicile et travail. Chez les migrants en provenance d’autres régions françaises (80% du total), les raisons professionnelles ou liées aux études dominent.
Quitter la Suisse pour une commune française voisine concerne généralement des couples avec enfants qui entendent devenir propriétaire d’une maison individuelle. Ces familles profitent du fait que l’accession à la propriété est plus facile en France (niveau des prix, apport personnel exigé, etc.). Ce différentiel est particulièrement important pour une proportion non négligeable de migrants qui n’auraient pas eu les moyens d’accéder à la propriété en Suisse malgré le fait d’y travailler. Franchir la frontière est en premier lieu le fait de ménages où l’un des partenaires au moins possède un passeport français voire européen.
Quant aux travailleurs frontaliers de Franche-Comté, seuls 5% d’entre eux estiment une installation en Suisse comme étant (très) probable (pour des raisons liées à l’emploi, aux trajets quotidiens voire au cadre de vie). Pour la majorité toutefois, un tel projet n’est pas envisagé. Les principaux freins sont tout d’abord d’ordre économique: le système de protection sociale et le système fiscal sont perçus plus positivement en France au contraire du coût de l’immobilier et du coût de la vie défavorables à la Suisse. Le fait d’être propriétaire (sept sur dix le sont), l’attachement à la région et la scolarité des enfants constituent également des freins importants.
Ces différents flux migratoires ne sont pas sans conséquence sur les marchés locaux du logement du côté français. Les opportunités d’emploi et le niveau des salaires attirent ainsi des travailleurs dans les communes les plus proches de la frontière. Il en résulte une importante demande de logements en premier lieu sous la forme de maisons individuelles en propriété. L’arrivée de ces nouveaux habitants et le pouvoir d’achat des travailleurs frontaliers exercent une forte pression sur les prix du foncier.
Du côté suisse, les acteurs du marché immobilier ne perçoivent pas les communes françaises limitrophes comme une concurrence importante. Néanmoins, le marché immobilier dans son ensemble représente un enjeu important pour le développement régional de l’Arc jurassien. Ainsi, alors que les centres industriels (La Chaux-de-Fonds, Le Locle, Vallée de Joux, etc.) ont enregistré une forte croissance en termes d’emplois lors de la dernière décennie, leur population est stable ou n’augmente que dans de faibles proportions. Leur croissance économique profite ainsi dans une proportion non négligeable aux cantons et régions limitrophes.