Résumé
Problématique et délimitation
Cette étude, qui s’inscrit dans la thématique «Structures et formes d’habitat durables» du programme de recherche 2008-2011 de l’OFL, examine dans quelle mesure et comment des logements anciens et sous-utilisés peuvent être affectés à un nouvel usage ou, à défaut, quand une démolition, respectivement une déconstruction représente une stratégie préférable.
La recherche part de l’hypothèse que les régions rurales périphériques pourraient mieux exploiter les potentiels résidentiels et d’utilisation laissés en friche des bâtiments d’habitation, ce en mettant en place des mesures appropriées permettant de lutter de la sorte contre les atteintes aux sites et aux paysages ainsi que de préserver des biens qui ont un intérêt du point de vue des particuliers et de l’économie régionale.
Méthodologie
En partant de deux régions, l’arrière-pays glaronais et l’Ajoie, qui servent d’exemple en raison de leur taux de logements vacants supérieur à la moyenne et donc d’habitations sous-utilisées, l’étude examine des approches concrètes pour faire face à cette situation et met en discussion des exemples de bonne pratique.
L’accent est mis sur l’évaluation des potentiels de réaffectation, l’identification de groupes cibles potentiellement intéressés ainsi que les possibilités de soutien de la part des pouvoirs publics. La question de la déconstruction a elle aussi été abordée afin de pouvoir proposer des recommandations les plus complètes possibles et présenter des instruments de planification ad hoc en vue de la mise en œuvre.
Résultats
Le ralentissement économique et/ou le recul démographique d’une région sont les principaux moteurs du phénomène de vacance des logements. L’âge et l’état des bâtiments et logements peuvent aussi jouer un rôle, car dans les régions périphériques ils ne correspondent souvent pas aux attentes des demandeurs de logement. Par ailleurs, dans les régions rurales, la commercialisation des objets vacants manque souvent de professionnalisme ou est organisée à un niveau suprarégional. Autre élément accentuant la vacance: les réserves de terrains constructibles surdimensionnées font préférer la construction en pleine nature à l’assainissement du patrimoine bâti au cœur du village.
L’évolution de l’arrière-pays glaronais se distingue par la relative perte d’importance de son secteur industriel, le déclin démographique et le vieillissement de son parc immobilier. Certes, quelques communes pendulaires se profilent comme des lieux de résidence attrayants, mais au prix de taux de vacance croissants et du déclin des noyaux historiques. Le problème des logements vacants devrait connaître un répit temporaire grâce au projet Linthal 2015, qui apportera à la région quelque 500 emplois d’ici à 2016.
Malgré sa situation périphérique et le recul de sa population, le district de Porrentruy a considérablement développé son parc immobilier durant ces vingt dernières années. Ceci a été favorisé par de grandes réserves de terrains à bâtir en lisière des villages. Les phénomènes de vacance de logements et de dégradation des bâtiments affectent principalement les communes agricoles et, notamment, les anciennes fermes. On peut s’attendre à ce que la fin des travaux de l’A16 (Transjurane) et le raccordement au réseau TGV améliorent l’accessibilité de la région et rendent par là même l’habitat en Ajoie plus attrayant pour les pendulaires.
L’analyse sur place et les entretiens menés avec les experts impliqués permettent de dégager les stratégies et mesures suivantes concernant la réutilisation/réaffectation des bâtiments d’habitation vacants:
- Amélioration durable des facteurs de localisation, notamment de l’accessibilité, et par conséquent optimisation des critères influençant le choix du lieu de résidence.
- Focalisation sur les pendulaires intracantonaux ainsi que sur les personnes à la retraite (anticipée) en tant que groupes cibles et commercialisation professionnelle axée sur la fonction d’accueil de la région, pourvue d’une qualité de vie élevée (proximité de la nature, habitat à prix avantageux).
- Mise en place d’une plateforme d’information créant plus de transparence quant au rapport ‘offre-demande’ et proposant un soutien, lors de projets de rénovation, en matière de droit de la construction et de protection des sites.
- Amélioration de la perception extérieure de ce qu’est la protection du patrimoine et mise en évidence, au travers de concours d’idées, des potentiels de réaffectation.
- Création de mécanismes d’incitation aux investissements en vue de la préservation et de la valorisation des centres (historiques).
- Orientation de l’aménagement du territoire vers une gestion stratégique des terrains constructibles (prélèvement des plus-values, répartition des coûts d’équipement conforme au principe du paiement par l’utilisateur, certificats d’utilisation des surfaces, taxes d’étalement).
- Soutien financier aux stratégies de déconstruction par le biais d’impôts sur les gains immobiliers ou de taxes sur les plus-values (fonds pour des primes à la démolition).
Conclusions
Si l’on veut résoudre à long terme le problème de vacance des logements, il faut agir au niveau politique sur différents leviers pour que les deux principaux facteurs de sous-utilisation des bâtiments d’habitation, à savoir le ralentissement économique et les lacunes de la politique d’aménagement du territoire, puissent être combattus de manière durable.
La priorité à long terme est la valorisation des communes rurales sous l’angle des facteurs de localisation ou des qualités résidentielles, et tout particulièrement de leur accessibilité. Les mesures prises dans le cadre de la politique du logement doivent porter essentiellement sur des groupes cibles (pendulaires intracantonaux ou personnes à la retraite [anticipée]) et viser la commercialisation professionnelle du bâti existant (plateforme commerciale, plateforme d’information relative à la protection du patrimoine, expertise en matière d’assainissement, fonds de rénovation).
L’aménagement du territoire est un maillon déterminant dans la lutte contre les logements vacants. Le prélèvement des plus-values pour les nouvelles constructions ou des taxes contre l’étalement des constructions permettraient aux communes d’obtenir les moyens nécessaires, d’une part pour financer la réduction des zones à bâtir ou des mesures de déconstruction telles les primes à la démolition, d’autre part pour développer des incitations à investir dans la préservation des noyaux villageois ainsi que des sites naturels.